Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/118

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Le tabor des Zaporogues était rempli de bruit et de mouvement. D’abord personne ne pouvait exactement expliquer comment un détachement de troupes royales avait pénétré dans la ville. Ce fut plus tard qu’on s’aperçut que tout le kourèn de Peréiaslav, placé devant une des portes de la ville, était resté la veille ivre mort ; il n’était donc pas étonnant que la moitié des Cosaques qui le composaient eût été tuée et l’autre moitié prisonnière, sans qu’ils eussent eu le temps de se reconnaître. Avant que les kouréni voisins, éveillés par le bruit, eussent pu prendre les armes, le détachement entrait déjà dans la ville, et ses derniers rangs soutenaient la fusillade contre les Zaporogues mal éveillés qui se jetaient sur eux en désordre. Le kochevoï fit rassembler l’armée, et lorsque tous les soldats réunis en cercle, le bonnet à la main, eurent fait silence, il leur dit :

— Voilà donc, seigneurs frères, ce qui est arrivé cette nuit ; voilà jusqu’où peut conduire l’ivresse ; voilà l’injure que nous a faite l’ennemi ! Il paraît que c’est là votre habitude : si l’on vous double la ration, vous êtes prêts à vous soûler de telle sorte que l’ennemi du nom chrétien peut non seulement vous