Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/141

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avaient conservé le plus de forces, s’occupèrent à rassembler les cadavres de leurs camarades et à leur rendre les derniers honneurs. Avec leurs épées et leurs lances, ils creusèrent des fosses dont ils emportaient la terre dans les pans de leurs habits ; ils y déposèrent soigneusement les corps des Cosaques, et les recouvrirent de terre fraîche pour ne pas les laisser en pâture aux oiseaux. Les cadavres des Polonais furent attachés par dizaines aux queues des chevaux, que les Zaporogues lancèrent dans la plaine en les chassant devant eux à grands coups de fouet. Les chevaux furieux coururent longtemps à travers les champs, traînant derrière eux les cadavres ensanglantés qui roulaient et se heurtaient dans la poussière.

Le soir venu, tous les kouréni s’assirent en rond et se mirent à parler des hauts faits de la journée. Ils veillèrent longtemps ainsi. Le vieux Tarass se coucha plus tard que tous les autres ; il ne comprenait pas pourquoi Andry ne s’était pas montré parmi les combattants. Le Judas avait-il eu honte de se battre contre ses frères ? Ou bien le juif l’avait il trompé, et Andry se trouvait-il en prison. Mais Tarass se souvint que le cœur d’Andry avait toujours été accessible aux séductions des femmes, et, dans sa désolation, il se mit à maudire la Polonaise qui avait perdu son fils, à jurer qu’il en tirerait vengeance. Il aurait tenu son serment, sans