Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/163

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eux ne mourra comme nous ; aucun d’eux, aucun. Ce n’est pas donné à leur nature de souris.

Ainsi parlait l’ataman ; et, son discours fini, il secouait encore sa tête qui s’était argentée dans des exploits de Cosaques. Tous ceux qui l’écoutaient furent vivement émus par ce discours qui pénétra jusqu’au fond des cœurs. Les plus anciens dans les rangs demeurèrent immobiles, inclinant leurs têtes grises vers la terre. Une larme brillait sous les vieilles paupières ; ils l’essuyèrent lentement avec la manche, et tous, comme s’ils se fussent donné le mot, firent à la fois leur geste d’usage[1] pour exprimer un parti pris, et secouèrent résolument leurs têtes chargées d’années. Tarass avait touché juste.

Déjà l’on voyait sortir de la ville l’armée ennemie, faisant sonner les trompettes et les clairons, ainsi que les seigneurs polonais, la main sur la hanche, entourés de nombreux serviteurs. Le gros colonel donnait des ordres. Ils s’avancèrent rapidement sur les Cosaques, les menaçant de leurs regards et de leurs mousquets, abrités sous leurs brillantes cuirasses d’airain. Dès que les Cosaques virent qu’ils s’étaient avancés à portée, tous déchargèrent leurs longs mousquets de six pieds, et continuèrent à tirer sans interruption. Le bruit de leurs

  1. Non seulement ce geste a son nom particulier, mais on en a formé le verbe, l’adverbe, l’adjectif, etc.