Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/168

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entra dans la confiance du pacha, devint magasinier du vaisseau et chef de la chiourme. Cela fit une grande peine aux pauvres prisonniers ; ils savaient que, si l’un des leurs vendait sa religion et passait au parti des oppresseurs, il était plus pénible et plus amer d’être sous sa main. C’est ce qui arriva. Mosy Chilo leur mit à tous de nouveaux fers, en les attachant trois à trois, les lia de cordes jusqu’aux os, les assomma de coups sur la nuque ; et lorsque les Turcs, satisfaits d’avoir trouvé un pareil serviteur, commencèrent à se réjouir, et s’enivrèrent sans respect pour les lois de leur religion, il apporta les soixante-quatre clefs des fers aux prisonniers afin qu’ils pussent ouvrir les cadenas, jeter leurs liens à la mer, et les échanger contre des sabres pour frapper les Turcs. Les Cosaques firent un grand butin, et revinrent glorieusement dans leur patrie, où, pendant longtemps, les joueurs de bandoura glorifièrent Mosy Chilo. On l’eût bien élu kochévoï ; mais c’était un étrange Cosaque. Quelquefois il faisait une action que le plus sage n’aurait pas imaginée ; d’autres fois, il tombait dans une incroyable bêtise. Il but et dissipa tout ce qu’il avait acquis, s’endetta près de tous à la setch, et, pour combler la mesure, il se glissa, la nuit, comme un voleur des rues, dans un kourèn étranger, enleva tous les harnais, et les mit en gage chez le cabaretier. Pour une action si honteuse,