Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/189

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d’entrée. À la fenêtre apparaissait la tête d’une juive en bonnet, ornée de perles noircies.

— Ton mari est-il dans la maison ! dit Boulba en descendant de cheval, et en passant la bride dans un anneau de fer sellé au mur.

— Il y est, dit la juive, qui s’empressa aussitôt de sortir avec une corbeille de froment pour le cheval et un broc de bière pour le cavalier.

— Où donc est ton juif ?

— Dans l’autre chambre, à faire ses prières, murmura la juive en saluant Boulba, et en lui souhaitant une bonne santé au moment où il approcha le broc de ses lèvres.

— Reste ici, donne à boire et à manger à mon cheval : j’irai seul lui parler. J’ai affaire à lui.

Ce juif était le fameux Yankel. Il s’était fait à la fois fermier et aubergiste. Ayant peu à peu pris en main les affaires de tous les seigneurs et hobereaux des environs, il avait insensiblement sucé tout leur argent et fait sentir sa présence de juif sur tout le pays. À trois milles à la ronde, il ne restait plus une seule maison qui fût en bon état. Toutes vieillissaient et tombaient en ruine ; la contrée entière était devenue déserte, comme après une épidémie ou un incendie général. Si Yankel l’eût habitée une dizaine d’années de plus, il est probable qu’il en eût expulsé jusqu’aux autorités. Tarass entra dans la chambre.