Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/209

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seulement pour nous avoir chassés ! Et un pauvre juif ! on lui arrachera ses boucles de cheveux, et de son museau l’on fera une chose impossible à regarder, et personne ne lui donnera cent ducats ! Ô mon Dieu ! ô Dieu de miséricorde !

Mais l’insuccès de leur tentative avait eu sur Boulba une tout autre influence ; on en voyait l’effet dans la flamme dévorante dont brillaient ses yeux.

— Marchons, dit-il tout à coup, en secouant une espèce de torpeur : allons sur la place publique. Je veux voir comment on le tourmentera.

— Ô mon seigneur, pourquoi faire ? Là, nous ne pouvons pas le secourir.

— Marchons, dit Boulba avec résolution.

Et le juif, comme une bonne d’enfant, le suivit avec un soupir.

Il n’était pas difficile de trouver la place où devait avoir lieu le supplice ; le peuple y affluait de toutes parts. Dans ce siècle grossier, c’était un spectacle des plus attrayants, non seulement pour la populace, mais encore pour les classes élevées. Nombre de vieilles femmes dévotes, nombre de jeunes filles peureuses, qui rêvaient ensuite toute la nuit de cadavres ensanglantés, et qui s’éveillaient en criant comme peut crier un hussard ivre, n’en saisissaient pas moins avec avidité l’occasion de satisfaire leur curiosité