Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/36

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par être réputé l’un des meilleurs étudiants. L’enseignement de ce temps-là n’avait pas le moindre rapport avec la vie qu’on menait ; toutes ces arguties scolastiques, toutes ces finesses rhétoriques et logiques n’avaient rien de commun avec l’époque, et ne trouvaient d’application nulle part. Les savants d’alors n’étaient pas moins ignorants que les autres, car leur science était complètement oiseuse et vide. Au surplus, l’organisation toute républicaine du séminaire, cette immense réunion de jeunes gens dans la force de l’âge, devaient leur inspirer des désirs d’activité tout à fait en dehors du cercle de leurs études. La mauvaise chère, les fréquentes punitions par la faim et les passions naissantes, tout s’unissait pour éveiller en eux cette soif d’entreprises qui devait, plus tard, se satisfaire dans la setch. Les boursiers[1] parcouraient affamés les rues de Kiew, obligeant les habitants à la prudence. Les marchands des bazars couvraient toujours des deux mains leurs gâteaux, leurs petits pâtés, leurs graines de pastèques, comme l’aigle couvre ses aiglons, dès que passait un boursier. Le consul[2] qui devait, d’après sa charge, veiller aux bonnes mœurs de ses subordonnés, portait de si larges poches dans ses pantalons, qu’il eût pu y fourrer

  1. Nom des étudiants laïques.
  2. Nom du surveillant, ou chef de quartier, choisi parmi les étudiants.