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brouhaha discordant. Les bœufs, le son, le foin, les tziganes, les poteries, les babas[1], les pains d’épices, les bonnets, tout flamboie bigarré et criard, s’agite en groupe et défile devant vos yeux. Des voix de différents timbres se couvrent l’une l’autre, et pas une parole ne peut être saisie, sauvée de ce déluge. Pas un cri ne s’articule distinctement ; on n’entend dans toute la foire que des mains de marchands frappant l’une dans l’autre, à l’appui du marché conclu. Une charrette se brise, le fer résonne ; des planches jetées à terre retentissent et la tête qui nous tourne ne sait où s’arrêter.

Notre moujik avec sa fille aux noirs sourcils s’était depuis longtemps mêlé à la foule. Il s’approchait d’une charrette, hélait l’autre, comparait les prix, et cependant, sa pensée tournait toujours autour des dix sacs de blé et de la vieille jument qu’il avait amenés pour la vente. On pouvait voir à l’expression du visage de sa fille qu’il n’était rien moins qu’agréable à celle-ci de se frotter aux char-

  1. Les femmes.