Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/106

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qui jetait à la porte un petit jeune homme essayant de lui mordre les mains, et se cramponnant aux tables contre lesquelles, en tombant, il faisait le bruit sec d’une chose qui se casse…

Comme Germinie détournait la tête, elle aperçut Jupillon : il était là, dans un rentrant de fenêtre, à une table verte, fumant, entre deux femmes. L’une était une grande blonde, aux cheveux de chanvre rares et frisotés, la figure plate et bête, les yeux ronds. Une chemise de flanelle rouge lui plissait au dos, et elle faisait sauter avec les deux mains les deux poches d’un tablier noir sur sa jupe marron. L’autre, petite, noiraude, toute rouge de s’être débarbouillée au savon, était encapuchonnée, avec une coquetterie de harangère, dans une capeline de tricot blanc à bordure bleue.

Jupillon avait reconnu Germinie. Quand il la vit se lever et venir à lui, les yeux fixes, il se pencha à l’oreille de la femme à la capeline, et se carrant dans sa pose, les deux coudes sur la table, il attendit.

— Tiens ! te v’la, fit-il quand Germinie fut devant lui immobile, droite, muette. En voilà une, de surprise !… Garçon ! un autre saladier !

Et vidant le saladier de vin sucré dans le verre des deux femmes : — Voyons, reprit-il, ne fais pas ta tête… Mets-toi là…

Et comme Germinie ne bougeait pas : — Va donc ! C’est des dames à mes amis… demande-leur ! — Mélie, dit à l’autre femme la femme à la