Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ondulatoires pareils à des vagues levées sous la peau et que l’on voyait courir jusqu’aux pieds, dans un frémissement de jupe. La tête renversée, la figure rouge, les yeux pleins d’une tendresse triste, de cette angoisse douce qu’ont les yeux des blessés, de grosses veines se dessinant sous le menton, haletante et ne répondant pas aux questions, Germinie portait les deux mains à sa gorge, à son cou, et les égratignait ; elle semblait vouloir arracher de là la sensation de quelque chose montant et descendant au dedans d’elle. Vainement on lui faisait respirer de l’éther, voire de l’eau de fleur d’oranger : les ondes de douleur qui passaient dans son corps continuaient à le parcourir ; et dans son visage persistait cette même expression de douceur mélancolique et d’anxiété sentimentale qui semblait mettre une souffrance d’âme sur la souffrance de chair de tous ses traits. Longtemps, tout parut blesser ses sens et les affecter douloureusement, l’éclat de la lumière, le bruit des voix, le parfum des choses. Enfin, au bout d’une heure, tout à coup des pleurs, un déluge s’échappant de ses yeux, emportait la terrible crise. Ce ne fut plus qu’un tressaillement de loin en loin, dans ce corps accablé, bientôt apaisé par la lassitude, par un brisement général. Il fallut porter Germinie dans sa chambre.

La lettre que lui avait remise Adèle, était la nouvelle de la mort de sa fille.