Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/138

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XXV.


Un matin, après une nuit où elle avait retourné en elle toutes ses idées de désolation et de haine, entrant chez la crémière prendre ses quatre sous de lait, Germinie trouva dans l’arrière-boutique deux ou trois bonnes de la rue qui « tuaient le ver. » Attablées, elles sirotaient des cancans et des liqueurs.

— Tiens ! dit Adèle, en frappant de son verre contre la table, te v’là déjà, mademoiselle de Varandeuil ?

— Qu’est-ce que c’est que ça ? fit Germinie en prenant le verre d’Adèle. J’en veux…

— T’as si soif que ça à ce matin ?… De l’eau-de-vie et de l’absinthe, rien que ça !… le mélo de mon piou, tu sais bien ? le militaire… il ne buvait que ça… C’est raide, hein ?

— Ah ! oui, dit Germinie avec le mouvement de lèvres et le plissement d’yeux d’un enfant auquel on donne un verre de liqueur au dessert d’un grand dîner.

— C’est bon tout de même… — Son cœur se levait. — Madame Jupillon… la bouteille par ici… je paye.