Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/179

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colères, refoulé les idées de sang qui lui étaient montées au cerveau tant de fois ! Elle avait toujours obéi, toujours patienté, toujours baissé la tête ! Aux pieds de cet homme, elle avait fait ramper son caractère, ses instincts, son orgueil, sa vanité, et plus que tout cela, sa jalousie, les rages de son cœur ! Pour le garder, elle en était venue à le partager, à lui permettre des maîtresses, à le recevoir des mains des autres, à chercher sur sa joue les endroits où ne l’avait pas embrassé sa cousine ! Et maintenant, tout au bout de tant d’immolations dont elle l’avait lassé, elle le retenait par un plus dégoûtant sacrifice, elle l’attirait par des cadeaux, elle lui ouvrait sa bourse pour le faire venir à des rendez-vous, elle achetait son amabilité en satisfaisant ses fantaisies et ses caprices, elle payait cet homme qui se faisait marchander ses baisers et demandait des pourboires à l’amour ! Et elle vivait, allant d’un jour à l’autre avec la terreur de ce que le misérable pourrait lui demander le lendemain.


XXXVIII.


« Il lui faut vingt francs… » Germinie se répéta cela plusieurs fois machinalement, mais sa pensée n’allait pas au delà des mots qu’elle se disait. La marche, la montée des cinq étages l’avaient étour-