Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/20

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pourrais bien ne pas faire de vieux os… Le fait que j’étais comme de la cire… On me recommanda au conducteur d’une petite voiture qui allait tous les mois de Langres à Paris ; et voilà comme je suis venue à Paris. J’avais alors quatorze ans… Je me rappelle que, pendant tout le voyage, je couchai tout habillée, parce que l’on me faisait coucher dans la chambre commune. En arrivant j’étais couverte de poux…


II.


La vieille femme resta silencieuse : elle comparait sa vie à celle de sa bonne.


Mlle de Varandeuil était née en 1782. Elle naissait dans un hôtel de la rue Royale, et Mesdames de France la tenaient sur les fonts baptismaux. Son père était de l’intimité du comte d’Artois, dans la maison duquel il avait une charge. Il était de ses chasses et des familiers devant lesquels, à la messe qui précédait les chasses, celui qui devait être Charles X pressait l’officiant en lui disant à mi-voix : — « Psit ! psit ! curé, avale vite ton bon Dieu ! » M. de Varandeuil avait fait un de ces mariages auxquels son temps était habitué : il avait épousé une façon d’actrice, une cantatrice qui, sans grand