Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement effrayé. Qu’est-ce que tu regardes donc dans la cour ?

— Moi, rien…, les pavés.

— Voyons, es-tu folle ? Tu m’as fait une peur !…

— Oh ! on ne tombe pas comme ça, dit Germinie avec un accent singulier. Allez ! pour tomber, mademoiselle, il faut une fière envie !


LI.


Germinie n’avait pu obtenir que Gautruche, poursuivi par une ancienne maîtresse, lui donnât la clef de sa chambre. Quand il n’était pas rentré, elle était obligée de l’attendre en bas, dehors, dans la rue, la nuit, l’hiver.

Elle se promenait d’abord de long en large devant la maison. Elle passait et repassait, faisait vingt pas, revenait. Puis, comme si elle allongeait son attente, elle faisait un tour plus long, et, allant toujours plus loin, finissait par toucher aux deux bouts du boulevard. Elle marchait ainsi souvent des heures, honteuse et crottée, sous le ciel brouillé, dans la suspecte horreur d’une avenue de barrière et de l’ombre de toutes choses. Elle suivait les maisons rouges des marchands de vin, les tonnelles nues, les treillages de guinguettes étayés des arbres morts qu’ont les fosses aux ours, les masures basses et plates