Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/233

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Et c’étaient, entre ces deux êtres, des amours terribles, acharnés et funèbres, des ardeurs et des assouvissements sauvages, des voluptés furieuses, des caresses qui avaient les brutalités et les colères du vin, des baisers qui semblaient chercher le sang sous la peau comme la langue d’une bête féroce, des anéantissements qui les engloutissaient et ne leur laissaient que le cadavre de leurs corps.

À cette débauche, Germinie apportait je ne sais quoi de fou, de délirant, de désespéré, une sorte de frénésie suprême. Ses sens exaspérés se retournaient contre eux-mêmes, et, sortant des appétits de leur nature, ils se poussaient à souffrir. La satiété les usait, sans les éteindre ; et dépassant l’excès, ils se forçaient jusqu’au déchirement. Dans le paroxysme d’excitation où était la malheureuse créature, sa tête, ses nerfs, l’imagination de son corps enragé, ne cherchaient plus même le plaisir dans le plaisir, mais quelque chose au delà de plus âpre, de plus poignant, de plus cuisant : la douleur dans la volupté. Et à tout moment, le mot « mourir » s’échappait de ses lèvres serrées, comme si tout bas elle invoquait la mort et cherchait à l’étreindre dans les agonies de l’amour !

Quelquefois, la nuit, tout à coup, se dressant sur le bord du lit, elle mettait ses pieds nus sur le froid du carreau, et restait là, farouche, penchée sur ce qui respire dans une chambre qui dort. Et peu à peu ce qui était autour d’elle, l’obscurité de l’heure, semblait l’envelopper. Elle se paraissait à elle-même