Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son sang brûlé et alcoolisé, sous le rouge briqueté de ses pommettes. Les affreuses souffrances qui lui avaient mordu le côté et tordu le creux de l’estomac pendant une huitaine de jours, lui avaient fait faire des réflexions. Il lui était venu, avec des résolutions de sagesse, des idées d’avenir presque sentimentales. Il s’était dit qu’il fallait mettre un peu plus d’eau dans sa vie, s’il voulait faire de vieux os. Pendant qu’il se retournait dans son lit et qu’il se pelotonnait, les genoux remontés pour moins souffrir, il avait regardé son taudis, ces quatre murs où il remisait ses nuits, où il rentrait le soir ses ivresses, quelquefois sans chandelle, dont il se sauvait le matin au jour ; et il avait pensé à se faire un intérieur. Il avait pensé à une chambre, où il aurait une femme, une femme qui lui ferait un bon pot-au-feu, le soignerait s’il était souffrant, raccommoderait ses affaires, tiendrait son linge en état, l’empêcherait d’aller recommencer une ardoise chez un marchand de vin, une femme enfin qui aurait pour lui tous les bons côtés du ménage, et qui par là-dessus ne serait pas une bête, le comprendrait, rirait avec lui. Cette femme était toute trouvée : c’était Germinie. Elle devait avoir un petit magot, quelques sous d’amassés depuis le temps qu’elle servait chez sa vieille demoiselle ; et avec ce qu’il gagnait, lui, ils vivraient à l’aise et « bouloteraient. » Il ne doutait pas de son consentement ; il était sûr d’avance qu’elle accepterait. Et d’ailleurs, ses scrupules, si elle en