Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/274

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rêvées. Mademoiselle remercia cette mort de la main de Dieu qui cueille l’âme d’un seul coup.

Comme elle sortait de là : — Voulez-vous reconnaître le corps ? lui dit un garçon en s’approchant.

Le corps ! Ce mot fut affreux pour mademoiselle. Sans attendre sa réponse, le garçon se mit à marcher devant elle jusqu’à une grande porte jaunâtre au-dessus de laquelle était écrit : Amphithéâtre. Il cogna ; un homme en bras de chemise, un brûle-gueule à la bouche, entr’ouvrit la porte, et dit d’attendre un instant.

Mademoiselle attendit. Ses pensées lui faisaient peur. Son imagination était de l’autre côté de cette porte d’épouvante. Elle essayait de voir ce qu’elle allait voir. Et toute remplie d’images confuses, de terreurs évoquées, elle frissonnait de l’idée d’entrer là, de reconnaître au milieu d’autres ce visage défiguré, si encore elle le reconnaissait ! Et cependant elle ne pouvait s’arracher de là : elle se disait qu’elle ne la verrait plus jamais !

L’homme au brûle-gueule ouvrit la porte : mademoiselle ne vit rien qu’une bière, dont le couvercle ne montant que jusqu’au cou laissait voir Germinie les yeux ouverts, les cheveux droits sur la tête.