Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/56

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qu’est la confession, ce qu’est le confesseur pour ces pauvres âmes de pauvres femmes. Dans le prêtre qui l’écoute et dont la voix lui arrive doucement, la femme de travail et de peine voit moins le ministre de Dieu, le juge de ses péchés, l’arbitre de son salut, que le confident de ses chagrins et l’ami de ses misères. Si grossière qu’elle soit, il y a toujours en elle un peu du fond de la femme, ce je ne sais quoi de fiévreux, de frissonnant, de sensitif et de blessé, une inquiétude et comme une aspiration de malade qui appelle les caresses de la parole ainsi que les bobos d’un enfant demandent le chantonnement d’une nourrice. Il lui faut, aussi bien qu’à la femme du monde, des soulagements d’expansion, de confidence, d’effusion. Car il est de la nature de son sexe de vouloir se répandre et s’appuyer. Il existe en elle des choses qu’elle a besoin de dire et sur lesquelles elle voudrait être interrogée, plainte, consolée. Elle rêve, pour des sentiments cachés et dont elle a la pudeur, un intérêt apitoyé, une sympathie. Que ses maîtres soient les meilleurs, les plus familiers, les plus rapprochés même, de la femme qui les sert : ils n’auront pour elle que les bontés qu’on laisse tomber sur un animal domestique. Ils s’inquiéteront de la façon dont elle mange, dont elle se porte ; ils soigneront la bête en elle, et ce sera tout. Ils n’imagineront pas qu’elle ait une autre place pour souffrir que son corps ; et ils ne lui supposeront pas les malaises d’âme, les mélancolies et les douleurs immatérielles