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Valentin lisait un peu le matin ; un Rabelais dont Valentin lisait un peu le soir.

Là, il travaillait du petit jour au crépuscule, — car c’était un piocheur inlassable, — il travaillait de cinq à six heures du matin à six ou sept heures du soir, heure où il sortait pour aller dîner chez Ramponneau.

Dans l’après-midi on trouvait presque toujours, tenant compagnie à Valentin, le peintre Hafner, le naturiste coloriste, le maître des champs de choux violets, l’original artiste à l’aspect de caporal prussien, et déjà ivre depuis le déjeuner, et qui, le menton calé sur sa canne, en la pose que j’ai vue à l’oncle Shandy, dans une vieille illustration du roman de Sterne, regardait vaguement travailler son ami jusqu’à l’heure du dîner.

Valentin, nous le rencontrions souvent, à l’heure de minuit au Grand Balcon dont il appréciait fort le bock et le kinsing, en leur nouveauté à Paris. Nous lui prêchions une grande illustration de Paris, une série de dessins représentant la Morgue, Mabille, une salle d’hôpital, un cabaret de la Halle, etc. ; enfin un tableau pris dans le Plaisir ou la Douleur, à tous les étages et dans tous les quartiers, mais cela fait rigoureusement d’après nature et non de chic, et pouvant servir de document historique pour plus tard — nous plaignant de ce que les siècles futurs n’auraient pas de renseignements de visu authentiques sur le « Paris moral » de ce temps.

Il nous répondait qu’il y avait bien songé, qu’il