Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus mal. Enterrement le 13. Le salon en chapelle ardente avec la croix et l’écharpe de représentant sur le cercueil. Autour du cercueil, des compagnons d’armes, de vieux soldats, de vieux bonshommes encore verts, au ruban de la Légion d’honneur passé et devenu orangé : le souvenir de notre père vivant ça et là, et les fils de M. Charles, comme on nous appelle, passant dans des bras d’inconnus qui nous parlent de ceux qui ne sont plus. Puis les fermiers, en chapeaux noirs, venus de loin et tout poussiéreux, et les vieux serviteurs retraités, les domestiques septuagénaires ayant derrière eux leurs fils approchés de la fortune par le commerce et les négoces heureux : — dernière représentation de cette gens, de cette clientèle amie et dévouée qui faisait à la famille le cortège de ses noces, le convoi de ses funérailles, et ne laissait ni la joie ni la douleur isolée et personnelle, comme en notre temps de familles d’une génération.

Puis les groupes noirs de femmes en deuil suivant ici le mort jusqu’au bout, la haie des gardes nationaux qui ne rient pas, et toutes ces têtes associées des fenêtres pieusement au deuil.

Tout, en ce spectacle de la mort, a été digne, simple, décent, chose rare ! Il n’y a point eu un incident grotesque, et les fermiers même régalés à l’auberge, ont respecté le vin des funérailles.

Nous avons donc revu cette maison où est mort notre grand-père, ce joli modèle bourgeois de l’hôtel du XVIIIe siècle, cette façade de pierre blanche,