Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/221

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C’est l’originale phrase dont nous salue notre fermier Foissey des Gouttes, et comme nous lui demandons de faire manger sa fille avec nous, la mère, en train de faire des toutelots à la cuisine, nous crie : « Elle n’ose pas venir, elle dit qu’elle est trop maigre ! »

4 août. — Rose nous apporte des lettres de couvent trouvées dans l’étui de serge noire du livre de messe de sa nièce. C’est la correspondance d’une petite amie : du pathos mystique et amoureusement tendre. Le couvent développe chez les jeunes filles, destinées à être des femmes d’ouvriers, des côtés poétiques, hostiles au foyer laborieux. Tout ce tendre, tout ce vaporeux hystérique, toute cette surexcitation de la tête par le cœur, font de la religion catholique un mauvais mode d’éducation de la femme pauvre. Elle la prédispose à l’amour idéal, et à toutes les choses romanesques et élancées de la passion, qu’elle n’est pas destinée à trouver dans son mari.

20 août. — Me voilà en plein rêve de bien des gens, à la campagne, de l’argent dans ma poche, avec une femme bon garçon, vieille amie qui me raconte ses amants ; libres tous les deux, n’ayant à craindre l’amour ni l’un ni l’autre, et bien à l’aise.

Quelques jolis moments, comme de la voir dans la chambre en camisole, un peu de peau de-ci de-là, troussée et ballonnante, ou enfoncée dans un grand fauteuil avec des ronrons de chatte, ou bien encore, dans une allée retirée du parc, couchée tout de son