Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/31

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d’actionnaires. Villedeuil est obligé de vendre une collection des Ordonnances des Rois de France pour lui allonger l’existence, puis il découvre un usurier dont il tire cinq à six mille francs. Les gérants, à cent sous la signature, se succèdent : le premier, Pouthier, un peintre bohème, ami de collège d’Edmond, est remplacé par un nommé Cahu, un être aussi fantastique que son nom, et qui est libraire philologique dans le quartier de la Sorbonne et membre de l’Académie d’Avranches ; et Cahu cède la place à un ancien militaire, auquel un tic nerveux fait à tout moment regarder la place de ses épaulettes et cracher par-dessus ses deux épaules.

Dans les six mille francs que Villedeuil était censé avoir reçus de son usurier, figurait, pour une assez forte valeur, un lot de deux cents bouteilles de champagne. Le vin commençant à s’avarier, le fondateur de l’Éclair a l’idée d’enlever le journal en donnant un bal, et en offrant ce bal au champagne, comme prime aux abonnés. On invite toutes les connaissances de l’Éclair, le bohème Pouthier, un architecte sans ouvrage, un marchand de tableaux, des anonymes ramassés au hasard de la rencontre, quelques femmes vagues, et, à un moment, pour animer un peu cette fête de famille, Nadar, qui commençait une série de caricatures dans notre journal, a l’idée d’ouvrir les volets, et d’inviter les passants et les passantes par la fenêtre.

— Une femme entretenue de notre maison disait à