Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/313

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envisageons la migraine du lendemain. Ainsi de tout, et cela sans que cela nous fasse renoncer à un duel nécessaire, à une femme tentante, à une bouteille de vin supérieur.

Est-ce tout à fait un malheur ? Non. Si cela empoisonne un peu la jouissance présente, l’imprévu ne vous désarçonne pas, — et vous êtes toujours prêt à aller au bout de tout ce que vous avez entrepris, avec une résolution délibérée, une volonté amassée, une patience constante des mauvais hasards.

11 décembre. — Nous sommes à la Porte-Saint-Martin dans la loge de Saint-Victor. C’est la première de la Tireuse de cartes, de Victor Séjour et de Mocquard. Saint-Victor a la bouche crispée, et cette physionomie dure, fermée, cette tête de bois qu’il a dans l’embarras, l’émotion, l’ennui.

C’est plein de mères d’actrices, de vaudevillistes, de critiques, d’hommes sans nom qui ont un nom au théâtre, ou des droits sur le directeur, ou des créances sur l’auteur, ou une parenté avec le souffleur, le placeur, et d’actrices qui ne jouent pas, et d’acteurs de province en congé, et de filles littéraires et de leurs petits amants de poche.

Dans la loge d’avant-scène du rez-de-chaussée, trône, dans le demi-jour, Jeanne de Tourbet, admirable dans sa pose de royale nonchalance, et tout entourée d’une cour de cravates blanches, qu’on perçoit dans l’ombre. Et voici Fiorentino avec son aspect et son teint de figure de cire : Bischoffsheim, l’ami