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au milieu d’une de ses blagues, et presque toujours, au bout d’une de ses phrases attendries, un strident rrrr, qui semble la crécelle de l’ironie.

Et l’on ne sait vraiment si c’est une femme qui a plus envie d’être à vous que de se moquer de vous.

Samedi 17 mars. — Une jouissance tout à fait supérieure : un grand acteur dans une pièce sans talent. Vu Paulin Ménier dans le Courrier de Lyon. Un admirable comédien, le comédien supérieur de ces années. Un créateur de types, avec une silhouette, des gestes, une physionomie des épaules, un masque du crime d’après des études sur le vrai, d’après des modèles entrevus dans une imitation de génie.

Paulin Ménier, le seul acteur qui donne aujourd’hui à une salle le frisson, le petit froid derrière la nuque, que donnait Frédérick Lemaître.

— L’humoristique chose qu’on me contait hier à propos de l’étiquette des cours d’Allemagne. Il est défendu de se moucher, même d’éternuer devant les souverains de là-bas. Une ambassadrice de ma famille se trouvait très embarrassée quand il lui arrivait de s’enrhumer. Heureusement qu’elle était prise en affection par une espèce d’antique camerera mayor, dans la famille de laquelle se léguait au lit de mort, de génération en génération, le secret de ne pas éternuer devant son souverain. Et elle lui révéla ce secret : qui est de se pincer le cartilage intérieur du nez d’une certaine façon.