Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/352

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sure des choses, ainsi que des fleurs de pourriture et des phosphorescences de corruption. Le jour est biblique. Les trois lumières dégradées, la pénombre entourant le vieillard, la douce lumière du ménage, le rayonnement des enfants, semblent l’admirable image de la famille : Soir, Midi, Aube. — Le Passé dans l’ombre bénissant, par-dessus le Présent éclairé, l’Avenir éblouissant.

— Je demande à un garçon de l’hôtel de l’Empereur romain, je ne sais pourquoi, s’il y a quelqu’un qui règne à Cassel. Il y a des points sur le globe où l’on ne voit point la place d’un souverain. Le garçon m’apprend qu’il y en a un cependant à Cassel, sous lequel Cassel gémit : le royaume d’Yvetot sous Denys le Tyran ! « Mais enfin, dis-je à ce garçon, vous êtes un pays constitutionnel, vous avez des chambres, vous devez avoir une opposition. Eh bien qu’en faites vous ? — Rien, Monsieur. Il n’y a personne chez nous pour se mettre à la tête de l’opposition ! »

Vendredi 7. — Berlin… En sortant de Kroll, la voiture m’emporte à travers des rues de palais, sur le petit pavé bruyant, je ne sais où, à une porte éclairée où il y a une affiche. J’entre dans une grande salle rayonnante de gaz. Une dizaine de femmes, auprès des tables, sont sur des divans, dans des poses lasses et stupides. Au milieu un petit pianiste mécanique de quinze ans, de la force d’une nuit de musique, automatique et flave, sans regard, joue éter-