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L’intendant, ancien libraire installé autrefois à la Maison d’Or, causant d’Hugo au point de vue de la vente. Il vit avec sa femme dans une petite tourelle, se repaissant des Chroniques de l’Œil-de-bœuf, si bien qu’il se croit un véritable intendant du XVIIIe siècle, se croise les bras, ne surveille pas le moins du monde les foins ni quoi que ce soit au monde, occupé toute la journée à faire virevolter entre ses doigts un lorgnon prétentieux. Quand il en est aux confidences de son passé complexe et plein de révélations inattendues, il dit qu’à huit ans on l’a jeté sur un poulain, et que plus tard, il a mené la reine Hortense à huit chevaux.

Fin août. — Nous sommes venus passer un mois aux bains de mer à Sainte-Adresse où l’on nous a présentés à un boursier, à un petit-fils de Cherubini, à Turcas.

Ce Turcas est l’amabilité ouverte à deux battants. Il est gai, plaisant et tout rond. Sa manie est l’hospitalité. Au bout de deux jours, nos couverts sont presque mis de force chez lui, et nous voilà de la maison, menant une vie paresseuse et doucement coulante. Turcas a une petite maison embuissonnée de roses grimpantes, un jardin de vingt-cinq pas au milieu duquel se dresse un divan en terre gazonnée, une maîtresse qui est la belle et grande fille du Palais-Royal, nommée Brassine, deux ou trois canots avec lesquels nous courons la mer, et encore, sur la plage, une cabane en planches