Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

28 septembre. — C’est fini. Nous voyons le mort, un foulard noué en turban sur la tête, le drap remonté sous le menton et tombant droit avec une croix sur la poitrine, et dans son profil sculpté par la mort, un calme où il y a presque un souffle et un sourire…

Des ballots noirs sont dans la salle à manger, des ballots au milieu desquels est une demoiselle de magasin de deuil, qui les déficelle, en faisant l’article : « Voulez-vous un châle carré pour les domestiques ?… Désire-t-on une robe de chambre pour la toilette de l’eau… Prenez ceci, c’est très avantageux. » C’est la devinaille de toute une maison, et de la situation, et de l’âge des domestiques, et du degré de douleur à ménager chez les parents, et d’un merveilleux bagou approprié à la qualité du chagrin de chacun.

Aujourd’hui Thierry nous déclare qu’il est impossible de jouer la pièce dans ce moment, qu’il faut la remettre après celle de Ponsard. « Il y a un vent de grève sur le théâtre français, » nous dit-il. Et nous avons cette mauvaise fortune sans exemple à la Comédie-Française, d’être arrêtés, les rôles distribués et acceptés par les meilleurs acteurs de la troupe, les décors faits et essayés, — et cela par la volonté d’un seul acteur qui a reçu notre pièce à boule blanche, et qui joue, tous les soirs, dans Musset, des rôles aussi jeunes que celui, dont il a prétexté la jeunesse pour ne le pas jouer. Du reste, nous savons à peu près le fond de l’affaire. Delaunay nous a dit