Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/335

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pendant un quart d’heure, des vociférations féroces ne pas vouloir permettre à Got de dire notre nom.

Nous sortons à travers les groupes tumultuants remplissant les galeries du Théâtre-Français, et nous allons souper à la Maison d’Or avec le comte d’Osmoy, Bouilhet, Flaubert. Nous y faisons très bonne figure, malgré une crise nerveuse qui nous donne envie de vomir, chaque fois que nous portons quelque chose à nos lèvres. Flaubert ne peut s’empêcher de nous dire qu’il nous trouve superbes ; et nous rentrons à cinq heures du matin, chez nous, las de la plus infinie lassitude que nous ayons éprouvée de notre vie.

6 décembre. — Le chef de claque m’affirme que, depuis Hernani et les Burgraves, le théâtre n’a jamais vu de tumulte semblable.

Dîner chez la princesse, qui est rentrée hier les gants déchirés et les mains brûlantes d’avoir applaudi.

Ma bête de maîtresse, qui a assisté à la représentation d’hier, me disait, cette nuit, qu’elle n’osait plus sortir ce matin, qu’il lui semblait qu’elle avait la chose écrite sur la figure.

7 décembre. — Singulière chose que l’idée fixe ! Ces deux jours-ci, j’ai, toute la journée, des sifflets dans les oreilles. La soirée est presque bonne et les acteurs peuvent un rien jouer, et c’est un vrai rayon que l’embellie qui passe sur la figure de Mme Lafontaine, toute joyeuse, d’entrer en scène sans être sifflée.