Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/170

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cide… et c’est une revue rageuse, dont on s’empoisonne l’âme, de tout ce que, tous deux, nous avons eu de dénis de justice, de mauvaises chances, d’échecs, de faillites du succès, tombant au milieu de cet état maladif qui ne nous laisse pas un jour sans la souffrance de l’un de nous ou l’inquiétude de la souffrance de l’autre.

4 septembre. — Nous ouvrons, au déjeuner du Bras-d’Or, une lettre de la princesse : l’aîné de nous deux, est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Comme toutes les joies, celle-ci arrive incomplète, et le décoré est très embêté… Quelque orgueil pourtant de cette décoration, qui aura cette rareté de n’avoir été ni demandée, ni sollicitée même par un mot, une allusion, mais arrachée par une amitié qui y a pensé toute seule, et des sympathies d’inconnus…

— Il me revient, ce mot de Sainte-Beuve, que me rapportait de lui, l’autre jour, Soulié : « C’est du dîner Magny que sort mon discours du Sénat. » Et c’est vrai ! Le dîner Magny aura été, en dépit de quelques empêcheurs, un des derniers cénacles de la vraie liberté de penser et de parler.

5 septembre. — Monologue d’un bourgeois devant l’océan : « La mer est silencieuse et trop loin… Il y