Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/189

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à la porte d’une auberge. En se retournant, un soleil tout blanc, qui fait aux ramures noires des arbres un fond d’argent ; et de distance en distance, une brindille perdue portant à sa dernière feuille une sorte de marguerite de givre ; au loin un fouillis, un lacis, une confusion de ramilles maigres qui se perdent dans du violacé, saupoudré d’une poudre de neige, leur donnant la légèreté d’une forêt de plumes.

Et, sous un ciel sourd, lamé de bleu froid et de jaune pâle, la route tout au loin, blanche, blanche, blanche, avec ses fréquentations, les pas de la nuit, la trace de l’animal, l’impression de son pied et la bifurcation de la corne sur la blancheur du chemin.

— Lu un peu du Mémorial de Sainte-Hélène. À faire, dans Napoléon, tout un chapitre sur cette tête, un monde, — ce cerveau plein des affaires du monde et des comptes de boutons d’une armée[1].

17 décembre. — Nous aimons ces changements d’existence, ces triomphes de l’animalité au retour de la chasse, ces coups de fouet de fatigue, ces griseries des fonctions physiques, où le boire, le man-

  1. Un moment nous avons eu l’idée de faire une histoire du cerveau de Napoléon, idée qui nous a persécutés quelques années, mais qui a été abandonnée, sans qu’il y ait eu d’autre travail que des notes prises.