Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/249

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femme aux os légers, légers, qui faisaient, que tout énorme qu’elle était, elle ne pesait rien.

Et savez-vous la seule querelle qu’il y eut entre la grosse femme et mon frère ? Pour notre tante, les Chinois n’étaient absolument qu’un peuple de paravent, et n’en ayant jamais vu que sur du papier peint, elle se figurait que ce peuple était une invention comique. Fort de ses notions de collège, mon frère s’obstinait à citer, en faveur de son peuple aimé, l’invention de la boussole, de la poudre, de l’imprimerie, etc., etc., notre tante persistant à les couvrir de son mépris : « Tiens, tes Chinois, voilà pour eux ! » finit-elle par dire, un jour, sur une détonation du bon vieux temps. Notre tante était de ce temps-là.

1er novembre. — Vivre à l’horizon de Paris, vous donne l’impression d’une espèce de planement au-dessus de la gloriole du boulevard. Le mépris vous en vient avec un sentiment de supériorité personnelle. On pense avec plus de volonté à faire des œuvres pour soi. Il y a un recul qui remet les petites choses et les petites gens de la vie littéraire à leur place. Seulement un fond de crainte, que cette vie pacifiée et provincialisée n’émousse en vous l’aigu de la littérature.

2 novembre. — Un roulement, deux voitures à notre porte. C’est la princesse qui tombe chez nous