Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/270

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à soi, et on soupire après l’heure où l’on fumera un cigare, sans penser à rien. Et cela au milieu des malaises de l’un et de l’autre qui s’interrogent de l’œil, et ont conscience de leurs mutuelles souffrances : l’un tourmenté de perpétuelles migraines, l’autre d’un perpétuel malaise d’estomac, qui en fait seulement un vivant, ou plutôt un misérable ressuscité du soir, à l’heure où l’on allume le gaz. Oh ! nous aurons été les martyrs du livre, — nous toujours, malgré la maladie, sur la brèche du travail et de la pensée.

20 janvier. — La princesse revient sur Sainte-Beuve : « Encore si c’était un homme de coup de tête, de résolution extrême !… Mais non, ç’a été toujours un homme entre le zist et le zest… N’est-ce pas, Sainte-Beuve c’est bien cela… Eh bien ! voulez-vous que je vous dise… Quand l’Empereur a accordé les libertés, il y était opposé comme un beau diable… Il ne s’est plus senti entre deux gendarmes… il ne s’est plus senti protégé… et, de peur, il a passé de l’autre côté, pour plus de sûreté ! »

— Sur le quai. Entre les deux Hôtel-Dieu qui vous enserrent le cœur, serré que vous êtes entre ce long parallélisme de la souffrance humaine, on se prend à penser à ce Dieu de bonté, qu’on dit là, au-dessus. Allons donc ! comment ferait-il pour être plus mauvais ?