Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fants comme ces cheveux des femmes de Véronèse, dans la Venise triomphante au Palais ducal. Elle me faisait aussi penser, avec sa robe de chambre mauve et ses accoudements paresseux, à ces Chinoises penchées sur un balcon de bambou, comme des Polymnies du fleuve Jaune. Elle était, après mon déjeuner et mon dîner, le décor entrevu à travers le nuage de ma pipe. Elle meublait le carré de la fenêtre en face, depuis bien longtemps vide. Je la regardais tranquillement et doucement, sans désirs. Elle m’amusait les yeux, m’occupait comme une souriante toile de fond… la nouvelle voisine !

Cela durait bien depuis huit jours… Hier matin, plus de rideaux à la fenêtre, un déménagement brusque… Et je m’aperçois que c’est triste, un appartement vide, et le papier tout nu, et le dessus de la cheminée où il n’y a plus rien, et les persiennes entr’ouvertes avec des gestes de travers.

— Livres magiques après tout, que ces livres de Hugo, qui, comme tous les livres de vrais maîtres, donnent, à leur lecture, une espèce de petite fièvre cérébrale.

— Les monuments fameux et grands dans la mémoire humaine, font, à les voir, l’impression des lieux de son enfance qu’on revoit : votre rêve, les trouve rapetissés.