Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/144

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du bois de Boulogne, j’ai la curiosité de voir les maisons du Parc des Princes.

Toutes ont été abandonnées par les propriétaires, et les jolis jardins sont émaillés de pioupious, et dans la verdure des arbres verts, le rouge garance contraste avec la blancheur des marbres de l’habitation de la Tourbey, que j’ai dû acheter… Je pousse devant moi, et vais à l’aventure, à travers les terrains vagues qui commencent la campagne de la banlieue. Ce ne sont que maisons, à la grille laissée grande ouverte par la visite d’un franc-tireur ; maisons aux carreaux cassés, d’où volettent, au dehors, des lambeaux de petits rideaux, tout grippés par la pluie. Ici, pendent sur le trou d’une porte absente, les brindilles d’une plante grimpante ; là, le vide de la niche d’un chien garde le vide d’une vacherie délaissée.

Mais parmi ces bâtisses, il en est une qui me parle, je ne sais pourquoi. Une bâtisse fabriquée avec des démolitions de toutes les sortes et de toutes les époques, une bâtisse où l’on sent qu’un étrange et cocasse Parisien, après en avoir été l’architecte, y a pris ses invalides. Je pénètre dans la cour, toute encombrée de choses hétéroclites, parmi lesquelles je distingue une baignoire d’enfant, et un immense chapeau de paille : un chapeau de philosophe champêtre, un chapeau d’inventeur. Une moitié de vieille porte Louis XV m’introduit dans l’unique pièce du rez-de-chaussée. Les meubles sont en marmelade, un buffet, éventré, n’a plus des panneaux qui le fermaient que des filandres de bois, pendant comme des ficelles.