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leur pain, sous le bras, par suite de la pancarte affichée hier, et qui annonçait que les restaurateurs ne pouvaient plus fournir le pain aux consommateurs.

Par les rues, ici et là, une vieille affiche pourrissante parlant du Bourget, parlant du plateau d’Avron : c’est sur les murs comme une histoire successive de nos revers.

Je vais voir Duplessis, à la Bibliothèque, et dans l’obscurité de cette Salle des Estampes, où mon frère et moi avons passé tant d’heures d’études, un employé est obligé de m’indiquer qu’il faut me garer d’une cuve d’eau ou d’une pile de cartons. C’est aujourd’hui une cave, où toutes les richesses uniques, qui font l’envie de l’Europe, sont empilées comme pour un déménagement — et j’ai peur d’avoir dit le mot.

Mardi 24 janvier. — Vinoy remplaçant Trochu, c’est le changement des médecins près d’un malade, à l’article de la mort.

Plus de canonnade ! Pourquoi ? Cette interruption du bruit tonnant à l’horizon me semble d’un mauvais augure.

Le pain actuel est d’une qualité telle, que la dernière survivante de mes poules, une petite poule cailloutée, toute drôlette, lorsqu’on lui en donne, gémit, pleure, rognonne, et ne se décide à le manger que tout à fait le soir.