Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/24

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de lettres de faire part de son décès, encore étalées sur le billard.

Il est ici une ruelle qui n’a pas plus de deux pieds de largeur. Dans cette ruelle se rencontre une mauvaise petite maison. Cette maison a une fenêtre sans rideaux, où, à travers la vitre, on voit une tête d’Antinoüs en plâtre, et un chandelier représentant un gendarme en carton-pierre colorié, avec une chandelle fichée dans la tête.

Sur la porte un morceau de papier porte, écrit à la main : Pour les petits voyageurs Madame Bondieu.

30 juillet. — Dans cette ville, dans cette maison, où depuis vingt-deux ans, nous venions tous les ans, tous les deux, chaque pas remue du passé qui fait lever des souvenirs.

Ç’a été notre refuge après la mort de notre mère, notre refuge après la mort de la vieille Rose, ç’a été le lieu de nos vacances de chaque été, après le travail de l’hiver, après le volume publié au printemps. Dans les sentiers odorants de lavande, côtoyant la Seine, sur les rapides de la rivière, franchis avec les grandes perches, nous composions ensemble les descriptions de Charles Demailly. Dans l’église, nous dessinions ensemble le vitrail représentant la moyennageuse « Promenade du Bœuf gras ». Là, dans la vinée, est l’endroit où nous avons appris la mort de notre cher Gavarni. Sur ce lit, qui est resté tel qu’il était, quand Jules couchait à côté de moi, a été jetée,