Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/26

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levard, Marie Sasse la chante debout dans sa voiture, sa voiture presque soulevée par le délire d’un peuple.

Mais la dépêche qui annonce la défaite du prince de Prusse, et la prise de 25 000 prisonniers, cette dépêche, dit-on, affichée dans l’intérieur de la Bourse, cette dépêche, que me déclarent avoir lue des gens, au milieu desquels je la cherche dans l’intérieur, cette dépêche que — dans une étrange hallucination — des gens croient voir, en me faisant d’un doigt indicateur : « Tenez, la voilà, là ! »… et me montrant au fond un mur où il n’y a rien, — cette affiche, je ne peux la découvrir, la cherchant et la recherchant dans tous les coins de la Bourse.

Dimanche 7 août. — Un silence effrayant sur le boulevard. Pas une voiture qui roule, dans la villa pas un cri qui annonce de la joie d’enfant, et à l’horizon un Paris, où le bruit semble mort.

Lundi 8 août. — Je sens moins ma solitude, en ces grandes foules émotionnées, et je m’y traîne toute la journée, fatigué à ne plus pouvoir aller, mais marchant toujours mécaniquement.

Mercredi 10 août. — Toute la journée, je vis dans la douloureuse émotion de la grande bataille, qui va décider des destinées de la France.