Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/315

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n’avais fait qu’entrevoir, mais qui avait éveillé en moi une espèce de curiosité amoureuse. Peut-être l’histoire du baiser de Rachel, donné à Saint-Victor, par dessus un paravent, pendant qu’elle s’habillait dans sa loge. La causerie avait lieu au bord de la mer, avec un ancien amant, un homme pratique, un homme d’affaires mâtiné de politiqueur, une espèce de Montguyon. Moment d’expansion de cet homme fort et fermé, produit par la beauté et la grandeur de la nuit. Récit très passionné, très sensuel, très matériel, très crû. Un long silence. Puis tout à coup il me prend le bras, monte chez moi, allume un cigare, ôte son habit, et se promène furieusement dans une chambre, en me reparlant d’elle. Et il raconte l’horreur soudaine qu’il a prise, tout à coup, pour cette femme, en ayant été témoin de l’étude impie qu’elle avait fait du rire sardonique, dans l’agonie de sa mère, et développe l’idée que le jeune homme est porté à aimer une femme qui a l’air d’une mauvaise bougresse, mais que, plus tard, en vieillissant, il veut trouver l’image de la bonté chez la femme.

Donc un récit parlé pour la première partie.

Deuxième partie. — Un séjour chez un cousin, second secrétaire d’ambassade dans une résidence d’Allemagne, une résidence comme Hesse-Darmstadt. Un déjeuner de garçons (peinture de diplomates français et étrangers) où l’on ne parle que de Paris, et où il est beaucoup question de l’actrice. Les invités partis, mon cousin me fait lire un paquet de lettres écrites sur elle, pendant qu’elle a été sa maîtresse,