Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/333

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bouquet de roses de mon grand rosier gloire de Dijon, aidée et protégée par les soldats, admirant cette femme s’avançant, sans peur, avec des fleurs, au milieu de la fusillade, et la faisant passer dans les environs de la Chapelle Expiatoire, par des cours percées par le génie.

Nous nous mettons en marche pour Auteuil, avec la curiosité de voir de près les Tuileries. Un obus qui éclate presque à nos pieds, place de la Madeleine, nous force à nous rejeter dans le faubourg Saint-Honoré, où nous sommes poursuivis par des éclats frappant au-dessus de nos têtes, à droite, à gauche.

Les projectiles ne dépassent pas la barrière de l’Étoile. De là, on voit Paris dans l’enveloppement de la dense fumée, qui couronne la cheminée d’une usine à gaz. Et tout autour de nous, et sur nous, du ciel obscurci tombe continuellement une pluie noire de petits morceaux de papier brûlé : la Comptabilité de la France, l’État civil de Paris… Je ne sais quelle analogie me vient à la pensée, de cette pluie de papier calciné avec de la pluie de cendre, sous laquelle a été ensevelie Pompéi.

Passy n’a pas souffert, c’est au boulevard Montmorency que commencent les ruines : les maisons dont il ne reste que les quatre murs noircis ; les maisons effondrées et couchées à terre.

Elle est encore debout, la mienne, avec un grand trou dans le second étage. Mais de combien d’éclats d’obus a-t-elle été souffletée ! Des monceaux de rocaille jonchent le trottoir. Il y a dans les moellons,