Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/340

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« C’est comme celle qui a tué Barbier d’un coup de couteau », dit un jeune officier à un de ses amis.

Les moins courageuses de ces femmes avouent seulement leur faiblesse, par un petit penchement de la tête de côté, qu’ont les femmes, quand elles ont longtemps prié à l’église. Une ou deux se cachaient dans leurs voiles, quand un sous-officier, faisant de la cruauté, touche un de ces voiles avec sa cravache : « Allons, bas les voiles, qu’on voie vos visages de coquines ! »

La pluie redouble. Quelques femmes se couvrent la tête de leurs jupons relevés. Une ligne de cavaliers en manteaux blancs a doublé la ligne des fantassins. Le colonel, une de ces figures olivâtres, commande : « Garde à vous ! » et les chasseurs d’Afrique arment leurs mousquetons. À ce moment, des femmes croient qu’on va les fusiller, et l’une se renverse dans une crise de nerfs. Mais la terreur ne dure qu’un moment, et aussitôt elles reprennent leurs figures moqueuses, quelques-unes leurs coquetteries avec les soldats.

Les chasseurs ont passé leurs carabines armées au dos, ont tiré leurs sabres. Le colonel s’est porté sur le flanc de la colonne, jetant à haute voix avec une brutalité que je sens affectée, et à l’effet de faire peur : « Tout homme qui quittera le bras de son voisin : c’est la mort. » Et ce terrible « c’est la mort » revient quatre ou cinq fois dans son court speech, pendant lequel s’entend le bruit sec des fusils, que charge l’escorte à pied.