Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/35

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nière » au fond de sa caisse, ainsi que devant un mort chéri, tout près d’être cloué dans le cercueil.

Le soir, après dîner, nous allons au chemin de fer de la rue d’Enfer, et je vois les dix-sept caisses, contenant l’Antiope, les plus beaux Vénitiens, etc. ; — ces tableaux qui se croyaient attachés aux murs du Louvre pour l’éternité, et qui ne sont plus que des colis, protégés seulement contre les aventures de déplacement, par le mot : Fragile.

3 septembre. — Ce n’est pas vivre, que de vivre dans ce grand et effrayant inconnu, qui vous entoure et vous étreint.

 

Quel aspect que celui de Paris, ce soir, sous le coup de la nouvelle de la défaite de Mac Mahon et de la captivité de l’Empereur ! Qui pourra peindre l’abattement des visages, les allées et venues des pas inconscients battant l’asphalte au hasard, le noir de la foule aux alentours des mairies, l’assaut des kiosques, la triple ligne de liseurs de journaux devant tout bec de gaz, les a parte anxieux des concierges et des boutiquiers, sur le pas des portes — et dessus les chaises des arrière-boutiques, les poses anéanties des femmes, qu’on entrevoit seules, et sans leurs hommes…

Puis la clameur grondante de la multitude, en qui succède la colère à la stupéfaction, et des bandes parcourant le boulevard en criant : La déchéance !