Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/356

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famine, la Commune : tout cela avait été une féroce et impérieuse distraction de mon chagrin, mais ça avait été une distraction.

Mardi 11 juillet. — Quelle imprévoyance ! Quel ganachisme ! La société se meurt du suffrage universel. C’est, de l’aveu de tous, l’instrument fatal de sa ruine prochaine. Par lui, l’ignorance de la vile multitude gouverne ; par lui, l’armée est enlevée à la soumission, au devoir. Dire qu’au lendemain de l’entrée des Versaillais, on pouvait tout, on pouvait l’impossible, et l’on n’a pas touché à ce suffrage mortel. Ah ! ce monsieur Thiers est, il me semble, un sauveur de société, à bien courte échéance. Il s’imagine sauver la France actuelle, avec du dilatoire, de la temporisation, de l’habileté, de la filouterie politique, de petits moyens pris sur la mesure de sa petite taille. Non, c’est avec l’audace des grandes mesures, avec un remaniement d’institutions, que la France, si elle ne doit pas mourir, pourra vivre.

Quel malheur que ce petit homme se soit trouvé là ! Si nous n’avions pas eu la providence de l’avoir, la société se serait sauvée toute seule, avec un principe quelconque, un principe qui manque complètement à l’éclectisme sceptique du chef du pouvoir exécutif.

Jeudi 13 juillet. — Aujourd’hui je vais avec Marin