Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/59

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un atelier de gabions et de fascines, et la note bleue des blouses dans l’abatis lilas et vert des arbres ; là, accrochée à un petit monticule, entre des troncs d’arbres, l’installation presque aérienne de la cuisine et des lits à la Robinson, de soldats du génie.

À la station de Bel-Air, grande émotion. Les employés, avec des gestes fiévreux, me racontent qu’on vient d’arrêter le maréchal Vaillant, qui indiquait à un Prussien les endroits faibles des fortifications, et s’indignent qu’on n’ait pas fusillé le traître sur place. Toujours Pitt et Cobourg ! Dans les grands dangers, la bêtise augmente d’une manière formidable.

Je descends au boulevard d’Ornano. Il passe au même instant, armé de pelles et précédé de clairons, un bataillon de marine, qui, dans un instant, a pris possession de la caserne des douaniers, et j’ai le plaisir de voir, à toutes les fenêtres, les intrépides figures, à la gaîté grave, aux yeux de la couleur d’une vague dans du soleil.

Samedi 17 septembre. — À Boulogne, il n’y a plus d’ouvert que le charcutier, le marchand de vin, le coiffeur. Dans le village abandonné, des voitures de déménagement stationnent, sans chevaux, devant des matelas et des objets de literie jetés sur le trottoir, et çà et là, quelques vieilles femmes assises au soleil, devant la porte d’une allée obscure s’obstinent à rester, à vouloir mourir, là où elles ont vécu. Dans les ruelles latérales, désertes et inani-