Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/67

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blasphématrices, quelqu’un jette : « Tiens, si on brûle Paris, faudra le rebâtir en chalets… en chalets… le Paris d’Haussmann. »

Oui, répond en chœur la table : « Nous allons être forcés de nous faire sages, sérieux, raisonnables… L’Opéra, il est urgent de lui chercher une autre destination, il n’est plus en rapport avec nos moyens, nous n’allons plus être assez riches pour nous payer des ténors… nous aurons un Opéra, comme en ont les sous-préfectures… Oui, oui, nous allons être condamnés à devenir un peuple vertueux ! »

Nous ne croyions pas si bien dire, lorsque montent à nos fenêtres des clameurs menaçantes, avec le cri : « À bas le lupanar ! Éteignez le gaz ! » Et nous sommes forcés de faire éteindre les lustres, dans les vociférations d’un populo, qui, sous le prétexte qu’il a vu une lorette dans un cabinet, prend un plaisir de basse envie et d’émeute jalouse, à empêcher les bourgeois de dîner, tandis que, lui, il garde ouverts, ses b… et ses guinguettes.

Mercredi 21 septembre. — Aujourd’hui, anniversaire de la proclamation de la République, une manifestation de vieux voyous et de jeunes titis, portant devant eux une grande toile, sur laquelle est peinte une figure de la Liberté, transpercée de la lumière des torches qu’ils portent derrière la toile — un vrai transparent de l’Ambigu qui vous dégoûte de la liberté et de ce peuple de cabotins.