Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/131

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plus nuls des hommes ! Moi là-dessus, comme je me récrie et que j’affirme, que la classe la plus intelligente que j’avais rencontrée dans ma vie, était celle des internes, Blanchard me donne raison sur ce point, mais il ajoute, qu’aussitôt leurs études finies, le besoin de gagner de l’argent — l’argent que gagne un médecin, un chirurgien étant la cote de sa valeur — le besoin de gagner de l’argent, le retire de tout travail, de toute étude, émousse son observation par l’abêtissement de visites rapides et successives, par la fatigue même des étages montés. L’intelligence, s’il y a une intelligence chez l’homme, au lieu de progresser, diminue.

Là-dessus Flaubert s’écrie : « Il n’y a pas de caste, que je méprise comme celle des médecins, moi qui suis d’une famille de médecins, de père en fils, y compris les cousins, car je suis le seul Flaubert qui ne soit pas médecin… mais quand je parle de mon mépris pour la caste, j’excepte mon papa… Je l’ai vu, lui, dire dans le dos de mon frère, en lui montrant le poing, quand il a été reçu docteur : “Si j’avais été à sa place, à son âge, avec l’argent qu’il a, quel homme j’aurais été !” Vous comprenez par cela son dédain pour la pratique rapace de la médecine. »

Et Flaubert continue, et nous peint son père à soixante ans, les beaux dimanches de l’été, disant qu’il allait se promener dans la campagne, et s’échappant par une porte de derrière, pour courir à l’Ensevelissoir, et disséquer comme un carabin.