Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/138

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Mardi 24 février. — Si j’étais encore peintre, je ferais un trait gravé à l’eau-forte de ce fond de Paris, que l’on voit du haut du pont Royal. De ce trait gravé, je ferais tirer une centaine d’épreuves sur papier collé, et je m’amuserais à les aquareller de toutes les colorations qui se lèvent des brumes aqueuses de la Seine, de toutes les magiques couleurs, dont notre automne, notre hiver, peignent cet horizon de plâtre gris et de pierre rouillée.

Aujourd’hui de la mouche, sur laquelle je suis venu d’Auteuil, je regardais. Dans la menace noire d’un orage d’hiver, sous la lumière blafarde d’un jour d’éclipse, le spectacle était merveilleux. On voyait, blanches d’une blancheur électrique, les deux piles du pont, on voyait les Tuileries de la couleur d’une eau jaune ensoleillée, et tout au fond, dans une nuée qui semblait la fumée rougeoyante d’un incendie, la masse de vieille pierre de Notre-Dame apparaissait violette, avec des transparences d’améthyste.

Mardi 3 mars. — Un joli mot de Paul de Saint-Victor, à propos de la mondanité de Renan : « Renan, c’est le gandin de l’exégèse ! »

Vendredi 6 mars. — Je déjeunais, ce matin, chez Claudius Popelin, d’où nous devions partir pour la