Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

nées qui ont quelque chose du temps qu’il fait dehors et de ses coups de soleil rapides, dans la monotonie grise du ciel.

Ces jours-là, j’aime à lire de l’histoire, surtout de la vieille histoire : il me semble que je ne la lis pas, mais bien plutôt que je la rêve.

Mardi 12 mai. — Mes jeunes amis se marient l’un après l’autre. Aujourd’hui c’est le tour de Pierre Gavarni. Et à l’église, ma pensée va au souvenir du petit enfant qu’il était, quand son père l’a envoyé, la première fois, chez moi.

Après la cérémonie, Pierre m’a entraîné à l’hôtel Talabot, un hôtel au plafond dont j’ai reconnu les peintures. Voillemot, pendant qu’il les peignait pour Billaut, était venu nous chercher, mon frère et moi, pour les admirer. On a déjeuné autour de petites tables improvisées, toutes bruissantes du froufrou de robes heureuses. Le marié, charmant garçon, mais toujours un peu tombant de la lune, hannetonnait là-dedans, poussant l’un ou l’autre, dans quelque coin, avec des mains de caresse, vous disant des choses qu’il oubliait de finir, et qu’il terminait par un sourire heureux.

C’était le plus délicieux spectacle de l’ahurissement, produit par l’amour, chez un jeune homme distrait.