Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’amour d’une honnête femme pour son mari, est encore ce qu’il y a de meilleur en fait d’amour.

Dimanche, 13 septembre. — Auteuil. Je vague au milieu de mes livres, sans les ouvrir, de mes dessins et de mes fleurs, sans les regarder. Les attaches qui existaient en moi pour toutes ces choses, me font l’effet d’être cassées. Ma maison même ne me semble plus être pour moi, ce qu’elle était, il y a six mois. Je ne jouis pas d’y être. Je ne sais quelle indifférence de mourant m’est venue, avant l’heure. Autrefois un désir, une ambition, une espérance me sortaient, un jour, violemment de cet état d’âme.

Aujourd’hui, je sens qu’il n’y plus rien au monde, que je me donnerais la peine de désirer, d’ambitionner, d’espérer, de rêver. J’en suis arrivé à ce détachement de la vie militante, où dans le dernier siècle, un homme, comme moi, s’enterrait dans un couvent : un couvent de Bénédictins.

Mais le régime de la liberté a tué ces retraites pour les blessés de la vie.

Lundi 14 septembre. — Exposition nationale de nos manufactures. La tapisserie, on peut le déclarer à la stupéfaction de bon nombre de gens, la tapisse-