Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/241

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Dimanche 1er août. — Aujourd’hui, à Bellevue, chez Charles Edmond, après un certain macaroni remplaçant la soupe, précipité par beaucoup de verres de sauterne, après une tranche de melon exquis, combattue par un verre de très vieille eau-de-vie, Charles Blanc devient expansif, et se raconte. Il est légèrement bredouillant. Les idées et les paroles affluent un peu chez lui, comme les liquides dans le goulot trop étroit d’une bouteille, mais il a un certain tour pasquinant dans le dire, assez amusant.

Il nous montre son frère Louis, petit-fils d’un guillotiné de 93, fils d’un ardent royaliste, ayant obtenu une bourse, et arrivant, après huit jours de diligence, au collège de Rodez.

Et voici le petit bonhomme, pas plus haut qu’une botte de gendarme — c’est son expression — se présentant chez le proviseur, qui n’a pas été prévenu et qui lui dit :

— « Mais, mon petit ami, qui est-ce qui vous envoie ?

— Monsieur, c’est le Roi, qui a donné l’ordre que je sois instruit à ses frais ! » — répond le bambin déjà sérieux.

La réponse a le plus grand succès.

L’aîné casé, la mère se remue pour faire donner de l’instruction au second. Elle va trouver Villèle, a une pique avec lui, et grâce à une de ces audaces que savent se faire pardonner les femmes, s’écrie au milieu de la discussion : « Eh Monseigneur, Monsei-