Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/277

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l’Empereur, du grand Empereur, était presque comme s’il n’était pas. On le percevait à peine, en appliquant sa tête contre sa poitrine. Je ne sais pas si ce détail physiologique, donné par la princesse, a été imprimé quelque part[1].

Samedi 22 janvier. — La paternité amoureuse de l’enfant encore dans ses langes, a quelque chose qui surprend, qui étonne chez les jeunes pères. Je faisais cette remarque auprès de Pierre Gavarni, me montrant son petit de quatre mois, avec des joies humides de l’œil et de la bouche. Il me confessait que ces petits êtres ont quelque chose d’adorable : le rire de leur sommeil, le rire aux anges, — c’est le nom que les sages-femmes ont donné à ce rire.

Mon petit Pierre Gavarni expliquait, ce soir, assez ingénieusement, le talent de Fromentin : un manque d’études suivies, une inexpérience curieuse du métier de la grande peinture, mais le jet sur la toile d’un milieu et d’une heure, que le peintre peuple après d’Arabes et de chevaux mal dessinés et incomplètement peints, mais qui sont au fond charmants, presque vrais, et qui vivent par l’exquise et poétique trouvaille de la nature ambiante.

Cette définition du talent de Fromentin l’amenait à parler de lui-même, avec sa parole lente et calme,

  1. M. George Barral m’écrit qu’il a fait allusion à ce détail, dans son Précis de l’histoire sous Napoléon 1er. Savine 1889.